Login

Émissions de méthane Le bon score des rations à base de maïs ensilage

Bonne nouvelle. À la ferme expérimentale des Trinottières, la ration hivernale classique, à base de maïs ensilage, a les mêmes niveaux d’émissions de méthane entérique qu’une ration conçue spécialement pour les réduire.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Le méthane issu des fermentations ruminales représente la moitié des émissions d’une exploitation laitière. Il suffirait donc d’intervenir sur la fabrication de méthane dans le rumen pour les réduire. C’est une approche logique mais la réalité est plus complexe car elle va à l’encontre d’un phénomène physiologique naturel. La lutte contre les émissions de méthane ne doit pas se faire au détriment de la santé de la vache et de ses performances laitières.

Pour la première fois, les solutions identifiées par l’Inrae dans ses travaux de recherche sont testées grandeur nature durant cinq mois à partir de la onzième semaine de lactation dans une ferme expérimentale proche d’un élevage laitier classique de l’Ouest : la ferme des Trinottières, dans le Maine-et-Loire.

Deux leviers : l’amidon et les lipides

Deux leviers reconnus efficaces y sont testés en association sous la houlette de l’Institut de l’élevage et de l’Inrae (1) : l’amidon et les lipides riches en acides gras polyinsaturés (graines de lin extrudées).

« Ils orientent la fermentation ruminale vers la synthèse d’acide propionique, connu pour réduire la méthanogénèse dans le rumen », décrypte Julien Jurquet, responsable des projets de nutrition des vaches laitières à l’Institut de l’élevage. Les lipides réduisent l’hydrogène disponible. Leur potentiel d’atténuation du méthane est estimé à 7,5 % par point de lipides apportés en supplément dans une ration. « Avec une limite, avertit Julien Jurquet. Il ne faut pas dépasser les 5 % de teneur en matière grasse totale de la ration, au risque de perturber la digestion dans le rumen. » Autre avertissement : pas plus de 25 % d’amidon dans la ration totale.

À partir de ces deux éléments, une ration dite « Méthane moins » (maïs ensilage, peu de fibres et graines de lin extrudées) est distribuée (voir p. 50). Elle contient 23,8 % d’amidon et 4,8 % de lipides. Elle est comparée à une ration dite « Méthane plus » mais aussi à la ration habituelle des Trinottières en hiver. « Méthane plusfavorise la synthèse des acides acétique et butyrique – précurseurs du méthane – par l’ensilage d’herbe riche en parois végétales. Sa teneur en amidon n’est que de 1,1 %. » En revanche, avec 25,2 % d’amidon, la ration des Trinottières est proche de la Méthane moins.

Les résultats confirment le nom attribué à la ration Méthane plus : les vaches rejettent davantage de gaz à effet de serre. En revanche, l’expérimentation apporte deux surprises. La première :les niveaux d’émissions de méthane entérique sont plutôt bas par rapport à ce qui est obtenu dans d’autres expérimentations.

« Mais ce sont surtout les écarts de résultats entre les trois régimes qui nous intéressent. » Or, et c’est la seconde surprise, par kilo de lait et de matière sèche ingérée, il n’y en a pas entre la ration Méthane moins  et celle des Trinottières. « Nous nous attendions à ce que la teneur plus élevée en lipides de la première ait un plus grand effet. En fait, comme nous respectons le plafond des 5 % de matière grasse totale, nous n’en apportons que 1,6 % de plus. L’incidence des lipides est finalement limitée. » Ajoutons que ces rejets plus faibles sont stables durant les quatre mois de l’essai. En d’autres termes, l’effet de la ration est durable.

Ces résultats identiques sont une bonne nouvelle pour les rations hivernales à deux tiers de la matière sèche totale en maïs ensilage. « Avec des rations peu compliquées comme celles des Trinottières, on peut obtenir de faibles niveaux d’émissions de méthane sans surcoût ni dégradation des taux. Elles sont un bon compromis entre abaissement du méthane entérique et performances laitières », pointe Julien Jurquet. Il avance tout de même deux conditions : des rations équilibrées (PDIE/UFL entre 0,95 et 0,97 g) et distribuées à volonté, c’est-à-dire avec 5 % de refus à l’auge.

Ingestions plus faibles, émissions plus faibles

Si l’on regarde de plus près les résultats, par kilo de lait corrigé et par kilo de matière sèche ingérée, on constate que les émissions des vaches en rations Méthane moins et Trinottières sont plus faibles que celles en Méthane plus  (voir infographie).

Toutefois, lorsqu’elles sont exprimées en émissions quotidiennes (en grammes par jour), elles sont identiques (écarts statistiquement non significatifs). « Principal responsable des émissions de méthane, le niveau d’ingestion explique cette absence de différence. Le lot Méthane plus a une ingestion plus faible contrebalancée par des rejets entériques plus élevés au kilo de MS ingéré. »

Avoir une stratégie globale­

Diminuer les émissions de méthane entérique par la composition de la ration n’est qu’un des leviers de la réduction des gaz à effet de serre de l’exploitation. Pour Julien Jurquet, il faut raisonner le sujet globalement : « L’origine des aliments achetés, le nombre d’animaux improductifs, l’âge au premier vêlage, les prairies, contribuent aussi à leur réduction. »

Dans le cadre d’un projet européen, l’Inrae et l’Institut de l’élevage s’intéressent aujourd’hui aux émissions générées au pâturage. Accompagnées de plusieurs stratégies de complémentation, les mesures effectuées au printemps 2021 à la station Inrae de Méjusseaume (Ille-et-Vilaine) devraient être publiées en juin prochain.

claire hue

(1) L’essai est financé par un consortium et réalisé dans un cadre de recherche de 12 acteurs de l’élevage.

© Idele - Mesures du méthane. La ferme des Trinottières est équipée de deux appareils GreenFeed. La ration étant semi-complète, les vaches consomment les concentrés dans ces Dac un peu spéciaux. Ils sont équipés de détecteurs de méthane et de dioxyde de carbone. Idele

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement